De la forêt au papier: l'impact environnemental du bois suisse décortiqué
Le bois possède un écobilan largement positif. Il devrait être davantage utilisé à la fois comme combustible et matériau, indique une recherche du Programme national de recherche "Ressource bois".
Une analyse globale de l'impact environnemental du bois en Suisse a examiné de manière systématique toute sa chaîne de valeur: depuis la coupe des arbres jusqu'à son recyclage ou sa combustion, en tenant compte de l'élaboration de produits semi-finis tels que le papier, les planches ou encore les pellets pour le chauffage. Elle indique que l'exploitation durable du bois peut contribuer à satisfaire aux besoins énergétiques et en matière première avec un impact environnemental inférieur aux autres ressources.
Diminution des émissions
L'étude estime que l'utilisation du bois en Suisse génère une réduction comprise entre 2,0 à 3,1 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an – par comparaison, la Suisse a émis 52,6 millions de tonnes en 2013. Cette diminution provient pour deux-tiers du chauffage domestique ou industriel, où le bois remplace gaz naturel et pétrole. Le dernier tiers est lié à l'utilisation du bois dans la construction ainsi que dans la fabrication de meubles, où il substitue des matériaux au bilan carbone significatif tels que ciment, acier, aluminium et plastiques.
Menée dans le cadre du Programme national de recherche "Ressource bois" (PNR 66), cette recherche s'est basée d'une part sur des statistiques globales du flux des matériaux (origine, usage et élimination du bois) élaborées notamment par l'administration fédérale, d'autre part sur plusieurs bases de données d'évaluation de cycle de vie des produits. "Nous avons évalué différents impacts environnementaux, notamment en relation avec le changement climatique, la consommation des ressources énergétiques, la pollution de l'air ou encore la perte de biodiversité", explique Florian Suter, premier auteur de l'étude et doctorant à la Chair of Ecological Systems Design à ETH Zurich.
Pour autant que la consommation de bois n'augmente pas prochainement, il n'est pas préférable, sur le plan environnemental, de réutiliser les déchets de bois en fin de vie que de les brûler, poursuit le chercheur. Cela peut paraître paradoxal, mais faire par exemple de l'aggloméré à partir de déchets n'amène pour l'instant guère de bénéfices, car cela diminuerait simplement l'exploitation forestière, dont les stocks se trouvent en quantité bien suffisante, aujourd'hui du moins."
Le problème des particules fines
L'impact environnemental le plus élevé provient du papier, notamment à cause de la demande énergétique de sa production, suivi par le chauffage domestique ou industriel, la fabrication de planches et finalement la coupe des arbres. "Les différents impacts environnementaux dépendent bien entendu des utilisations précises, souligne Florian Suter. Mais d'une manière générale, les demandes énergétiques pour la fabrication de produits en bois sont relativement basses comparées à d'autres matériaux." Un point négatif concerne les émissions de particules fines lors de la combustion qui contribuent à la pollution de l'air et ont un impact sur la santé.
L'étude a également considéré le commerce international: "l'impact des importations peut être important, poursuit Florian Suter. Elles consistent souvent en des produits semi-finis issus de forêts qui ne sont pas toujours entretenues de manière durable."
Les chercheurs formulent trois recommandations: utiliser largement le bois là où la substitution apporte les plus grands avantages (matériaux de construction et énergie); atténuer les aspects négatifs tels que l'émission de particules fines; et considérer l'ensemble de la chaîne du bois pour maximiser les effets positifs. Les forêts devraient être davantage exploitées, selon Stefanie Hellweg, professeure à l'Institut d'ingénierie environnementale d'ETH Zurich: "Leurs stocks grandissent en Europe et en Suisse. Leur bénéfice pour le climat n'est donc pas exploité au maximum. On l'oublie parfois, mais le bois constitue l'un des très rares matériaux renouvelables disponibles."
Le bois est-il neutre pour le climat?
A très long terme, le bilan climatique des forêts est neutre, explique Florian Suter: tout le CO2 absorbé par un arbre durant sa croissance finit par retourner dans l'atmosphère lors de sa décomposition dans la nature ou sa combustion dans une chaudière. Mais l'utilisation du bois comme matériau de construction stabilise ce carbone durant des décennies, ce qui atténue pendant ce temps le réchauffement climatique. "Il serait avantageux d'incinérer le bois seulement après son emploi, et non pas directement après la coupe", indique le chercheur. D'un autre côté, le CO2 émis par le bois à la fin de sa vie n'est pas immédiatement réabsorbé par les forêts et contribue ainsi au réchauffement. "Le bilan carbone du bois à court terme est une question vivement débattue dans la communauté scientifique", souligne Florian Suter.
Contacts
Prof. Stefanie Hellweg
Institute of Environmental Engineering
ETH Zurich
Tel. +41 (0)44 633 43 37
E-mail stefanie.hellweg@ifu.baug.ethz.ch
Florian Suter
Institute of Environmental Engineering
ETH Zurich
Tel. +41 (0)44 633 02 51
E-mail suter@ifu.baug.ethz.ch
Programme national de recherche "Ressource bois"
En coopération avec l'industrie et les autorités, le Programme national de recherche "Ressource bois" (PNR 66) veut fournir des bases scientifiques et des solutions pratiques pour optimiser la disponibilité du bois et son exploitation. Les conclusions et recommandations globales du PNR 66 seront publiées en 2017 dans différents rapports de synthèse. Le Fonds national suisse (FNS) assure la mise en œuvre du programme, sur mandat du Conseil fédéral.