Additifs alimentaires: mieux apprécier le risque des nanoparticules

Depuis cinquante ans, l’industrie alimentaire utilise largement le dioxyde de silicium comme antiagglomérant. Jusqu’ici, on le croyait inoffensif. Des scientifiques du Programme national de recherche "Chances et risques des nanomatériaux" ont montré que ces nanoparticules peuvent influer sur le système immunitaire de l’intestin.

Les antiagglomérants veillent à ce que les aliments secs tels que les soupes prêtes à l’emploi, le café instantané ou encore les assaisonnements en poudre s’écoulent facilement. Le "dioxyde de silicium amorphe synthétique", une poudre ultrafine tirée du sable de quartz, est utilisé depuis un demi-siècle comme additif alimentaire sous le numéro d’autorisation E551. Il passe pour être sans danger pour la santé humaine. "Jusqu’ici, on supposait que ces particules nanostructurées étaient totalement inertes", explique Hanspeter Nägeli de l’Institut de pharmacologie et de toxicologie de l’Université de Zurich.

Le système immunitaire réveillé

Une étude menée dans le cadre du Programme national de recherche "Chances et risques des nanomatériaux" (PNR 64) indique que ces particules peuvent activer certaines cellules immunitaires. "Nous avons montré que des cellules dendritiques au repos sont stimulées au contact de ces nanosilices et peuvent déclencher une réaction semblable à une inflammation", explique Hanspeter Nägeli. Ces résultats (*) donnent à réfléchir, car les cellules dendritiques jouent un rôle décisif dans le système immunitaire de l’intestin: elles préservent l’équilibre dynamique entre défense et tolérance. Les cellules dendritiques contribuent de manière importante à la lutte du système immunitaire contre les microbes et les poussières. En même temps, elles coordonnent la réponse adéquate de l’organisme aux composants de l’alimentation ou aux représentants de la flore intestinale normale.

Des essais menés avec des cultures de cellules de rongeurs montrent que les cellules dendritiques absorbent les nanosilices dans leur cytoplasme, ce qui les tire de leur sommeil. Elles sécrètent alors une molécule de signalisation qui peut activer une réaction d’inflammation. Les chercheurs ignorent si ce genre de processus peut également perturber l’équilibre immunologique de l’intestin humain et le pousser vers une défense accrue. Ces résultats pourraient néanmoins expliquer pourquoi on observe une augmentation des maladies inflammatoires du côlon lorsque davantage de personnes consomment des produits alimentaires prêts à l’emploi.

"Il ne s’agit pas d’instiller la peur, souligne Hanspeter Nägeli. Les maladies inflammatoires du côlon sont des pathologies complexes qui dépendent d’un grand nombre de facteurs." Les nanosilices présentes dans la nourriture ne constituent ainsi qu’une petite pièce du puzzle. Néanmoins, le chercheur recommande au vu de ses résultats une plus grande prudence dans l’emploi de ces particules dans l’alimentation: "Leur utilisation massive doit être repensée", écrivent les scientifiques dans leur article.

Améliorer l’estimation des risques

Une autre publication de Hanspeter Nägeli (**) critique l’évaluation actuelle de la sécurité des nanosilices: "Les analyses toxicologiques ne recensent aucun critère immunologique", note le chercheur. En outre, les essais portant sur des rats ont relevé des lésions au foie avec les doses les plus élevées, mais qui n’ont pas été prises en compte dans l’évaluation des risques. Un rapport avec les nanosilices n’a pu être prouvé, mais ne peut pas être exclu dans l’état actuel des connaissances, indique le chercheur. "C’est pourquoi nous plaidons pour l’application du principe de précaution et pour un réexamen des valeurs limites en vigueur dans l’alimentation."

Cette recherche a été réalisée à l’Université de Zurich en collaboration avec l’EMPA, l’ETH Zurich et Bavarian Nordic.

(*) H.C. Winkler et al.: MyD88-dependent pro-interleukin-1β induction in dendritic cells exposed to food-grade synthetic amorphous silica. Particle and Fibre Toxicology (2017).10.1186/s12989-017-0202-8External Link Icon

(**) H.C. Winkler, M. Suter and H. Naegeli: Critical review of the safety assessment of nano-structured silica additives in food. Journal of Nanobiotechnology (2016), doi:10.1186/s12951-016-0189-6External Link Icon

(Disponibles en ligne our sur demande:com@snf.chExternal Link Icon)

Contact

Prof. Hanspeter Nägeli
Institut de pharmacologie et de toxicologie vétérinaire
Faculté Vetsuisse
Winterthurerstrasse 260

CH-8057 Zurich
Tél.: +41 44 635 87 63
E-mail
hanspeter.naegeli@vetpharm.uzh.chExternal Link Icon

Opportunités et risques des nanomatériaux (PNR 64)

Sur mandat du Conseil fédéral, le Fonds national suisse a mené le Programme national de recherche "Opportunités et risques des nanomatériaux" (PNR 64) jusqu’en 2017. Son objectif état de combler les lacunes de nos connaissances actuelles sur les nanomatériaux, leur fabrication, leur utilisation et leur élimination. Les recommandations globales et finales du PNR 64 ont été publiées en avril 2017.