Comment mieux exploiter les traces de sang sur la durée

© © Tom Schneider

La composition des traces de sang change au fil des semaines et des mois. La médecine légale veut à l’avenir utiliser ce fait - à charge ou à décharge des suspects.

Le papier maculé de sang est resté près d’un an sur la terrasse d’un toit, exposé au vent et aux aléas de la météo, mais protégé de la pluie. Ces gouttes de sang n’étaient heureusement pas les indices d’un crime violent. Non, elles faisaient partie d’un projet financé par le Fonds national suisse : sur la base de cet essai de longue durée, les scientifiques veulent développer une méthode forensique permettant de dater de manière fiable une trace de sang.

Cette question est surtout importante quand la découverte du sang, de la salive ou du sperme ne se produit que des semaines ou des mois après un crime. Dans ce cas, l’attribution de telles traces à une personne – en particulier par analyse de l’ADN – n’est souvent pas suffisante. Car il est aussi décisif de prouver qu’elles ont été laissées au moment du méfait et non dans des situations antérieures ou postérieures n’ayant rien à voir avec le crime. « Il n’y a actuellement aucune méthode de routine pour dater un tel indice », explique Andrea Steuer, responsable de section au Centre de pharmacologie et de toxicologie forensiques de l’Institut de médecine légale de l’Université de Zurich.

Quand la tache de sang a-t-elle été déposée ?

Son équipe a donc cherché à savoir si la composition d’une tache de sang – par exemple sur le sol ou sur les vêtements d’une personne suspecte – pourrait révéler quand elle a été faite. A l’extérieur de l’environnement protégé qu’est le corps, des processus biochimiques spécifiques se produisent et certains éléments du sang se dégradent ou se modifient et de nouvelles substances dues à ces phénomènes s’accumulent. Cela pourrait permettre de déterminer l’âge d’un indice.

Pour leur étude, les scientifiques ont examiné deux situations bien différentes: après avoir déposé des gouttes de sang provenant de onze personnes sur des papiers absorbants, ils les ont placées soit dans un tiroir offrant des conditions environnementales relativement stables, soit sous une table sur le toit de l’Institut de médecine légale où elles se trouvaient exposées à un ensemble de facteurs météorologiques tels que le vent, les rayons UV et les variations de température – à l’exception de la pluie. En l’espace de 48 semaines, ils ont effectué des prélèvements à neuf reprises et les ont analysés au spectromètre de masse – un appareil qui sépare les substances contenues dans le sang en fonction de leur taille et de leurs propriétés chimiques.

Ils ont ainsi trouvé plus de 10'000 substances différentes. « Pour la majorité, nous ne savons même pas de quoi il s’agit », dit Andrea Steuer. Mais cela n’a pas d’importance. Les scientifiques voulaient d’abord repérer dans cette masse de données les substances dont la quantité a changé de manière quantifiable au fil du temps. « À partir de là, nous pouvons caractériser plus précisément ces substances pour la datation des échantillons », dit-elle.

Aiguille dans une botte de foin

Son équipe est effectivement parvenue à identifier quelques substances adéquates au moyen d’analyses statistiques complexes. L’une des plus prometteuses est la phénylalanine-alanine, une petite molécule probablement produite lors de la dégradation des protéines contenues dans le sang. Très faibles dans les premiers prélèvements, les quantités de phénylalanine-alanine ont augmenté continuellement au fil du temps presque jusqu’à la fin de l’expérience.

Il est encore trop tôt pour dire si une méthode d’examen forensique pourra être développée sur la base de ces observations. Il faut encore tester individuellement l’influence de différents facteurs environnementaux, tels que l’humidité de l’air et la température, sur la quantité de phénylalanine-alanine. Il faut en outre s’assurer qu’il n’y a, sous cet angle, pas de grandes différences entre le sang de différentes personnes. « Plus on y travaille, plus cela se complexifie », dit Andrea Steuer.

Entretemps, l’équipe utilise la même approche pour les traces de salive, de sperme et d’urine. Toutefois, les échantillons restent ici dans le laboratoire et ne sont pas déposés sur le toit. « À l’extérieur, il y a tout simplement trop d’incertitudes en raison des conditions environnementales extrêmes », dit la chercheuse. « Mais ce serait déjà un énorme progrès si la méthode ne devait fonctionner que pour les espaces intérieurs. »

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