Big data : entre défis et opportunités

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S’il s’appuie sur une gestion responsable, le big data ouvre la voie à de nombreuses applications utiles : le Programme national de recherche « Big Data » (PNR 75) du Fonds national suisse a examiné défis et opportunités.

Qu’il s’agisse de soins médicaux, de mobilité, d’efficacité énergétique ou de fourniture d’informations, le big data peut améliorer notre quotidien. Dans le même temps, l’utilisation accrue de mégadonnées constitue un défi lorsqu’il s’agit de garantir les processus démocratiques, l’égalité de traitement, l’équité, ou le droit à l’anonymat dans les espaces publics. Un défi qui soulève par ailleurs de nombreuses questions : quels sont les processus à l’œuvre derrière les interfaces utilisateur ? À quoi peuvent-ils servir ? Comment réguler judicieusement les flux de données indispensables ?

Telles sont quelques-unes des interrogations auxquelles le Programme national de recherche « Big Data » (PNR 75) souhaitait apporter une réponse. D’importants aspects de ces technologies et de leurs applications ont ainsi été examinés dans le cadre de 37 projets de recherche ; des techniques visant à réduire les quantités de données requises ont été mises au point, des cartes du potentiel de sources d’énergies renouvelables ont été établies, et des questionnements éthiques ont été abordés dans le domaine des assurances et des ressources humaines : « Le programme promeut le potentiel de création de valeur du big data dans de nombreux domaines et conforte l’excellence de la recherche sur ce thème en Suisse », résume Christian S. Jensen, président du comité de direction du PNR 75 et professeur à l’Université d’Aalborg au Danemark. Il constate néanmoins que « les travaux réalisés mettent aussi en exergue les défis qu’il conviendra de relever afin de pouvoir utiliser ces flux de données de manière responsable tout en exploitant leur plein potentiel. »

Défendre notre position de leader, rester ouvert à l’innovation

Si la Suisse dispose d’excellentes capacités de recherche et de remarquables spécialistes, la demande en savoir-faire ne cesse d’augmenter. « Du fait de la concurrence croissante observée aussi bien au plan international qu’entre les secteurs public et privé, il est crucial de s’assurer que la Suisse reste une place scientifique et un lieu de formation de premier ordre », souligne Friedrich Eisenbrand, membre du comité de direction du PNR 75. Les entreprises internationales jouent souvent un rôle moteur dans le développement technologique, ce qui leur confère une grande influence. Le PNR 75 s’est donc attaché à renforcer les compétences clés relatives au développement et à l’utilisation du big data en Suisse.

Les projets du PNR 75 ont également généré de nouvelles applications – des prototypes qui permettent de détecter automatiquement les inondations, de suivre l’état de santé des patient·es en réanimation, ou encore d’explorer des scénarios politiques. Les travaux menés dans ce contexte ont mis en évidence qu’il était également nécessaire d’ajuster la réglementation pour contribuer à façonner les innovations et à préserver ainsi une autonomie décisionnelle. « Le progrès technique ne saurait être mis en œuvre sans les bases juridiques nécessaires », précise Emanuela Keller, responsable de l’unité de soins intensifs en neurologie de l’hôpital universitaire de Zurich.

Exploiter les avantages, assumer les responsabilités

La disponibilité et l’accessibilité de données de haute qualité jouent un rôle décisif si l’on veut pouvoir retirer un bénéfice maximal du big data. Cependant, leur collecte et leur utilisation constituent un défi à la fois technique et sociétal. « Notre enquête et notre analyse des médias révèlent que si la population se méfie du big data, elle croit également en son potentiel », constate Markus Christen, directeur général de la Digital Society Initiative à l’Université de Zurich. Mais instaurer une confiance justifiée dans les processus de traitement des données exige une gestion responsable.

C’est là que doit intervenir l’État en sa qualité de législateur. Les projets portant sur des questions juridiques, éthiques et sociales en lien avec le développement et l’utilisation du big data ont en effet fait apparaître des lacunes réglementaires : les secteurs des assurances ou des ressources humaines recourent par exemple à des algorithmes potentiellement discriminatoires. L’étude des concepts légaux d’autonomie et de propriété a parallèlement mis en exergue que ceux-ci revêtaient une importance décisive pour la formulation de nouvelles lois visant à réguler l’utilisation du big data.

La Suisse dispose d’une marge de manœuvre

En tant que bien économique, les données ne cessent de prendre de la valeur. L’harmonisation transfrontalière des législations est néanmoins entravée par les différences nationales prévalant en matière de protection et de sécurité des données. Les conclusions d’un projet consacré au droit commercial international soulignent l’importance croissante d’une telle harmonisation et montrent comment ces dispositions pourraient être mieux utilisées au sein d’économies fondées sur les données. « En tant que pays innovant et globalement interconnecté, la Suisse pourrait à cet égard jouer un rôle central », indique Mira Burri, professeure de droit économique international à l’Université de Lucerne. Du fait des nombreuses organisations internationales établies en Suisse, elle bénéficie en effet d’une position unique pour soutenir les activités d’harmonisation des institutions à vocation transnationale.

Big data, intelligence artificielle et apprentissage automatique initient des changements fondamentaux au sein de la société. La recherche de pointe sur la technologie des données est l’une des clés qui permettra de guider ces développements et d’en tirer parti. En tant que société, il est de notre plus grand intérêt de veiller à ce qu’il en soit ainsi. Les progrès à accomplir sur le plan sociétal comme sur le plan réglementaire constituent l’autre facteur de réussite essentiel. Si ces deux aspects ne sont pas coordonnés, il pourrait en résulter de fausses incitations et une perte d’influence pour la société. La promotion des compétences et des ressources doit s’accomplir parallèlement dans ces deux domaines afin de concilier besoin et utilité.

PNR 75 : le big data nous concerne tous

Au sein d’une société moderne, le traitement des données tend de plus en plus à devenir une compétence clé. Ceci s’applique dans une même mesure aux fondements de l’innovation, aux infrastructures étatiques et économiques et à la garantie d’une gestion responsable des données personnelles. Le Programme national de recherche « Big Data » (PNR 75) a permis de consolider les compétences de la Suisse en matière de développement et d’utilisation du big data. Il débouche sur des technologies innovantes pour le traitement de très grandes quantités de données, des approches interdisciplinaires pour le développement de nouvelles applications et de nouvelles connaissances sur les questions juridiques, éthiques et sociales complexes liées au big data.

Le PNR 75 a ce faisant renforcé les capacités de recherche et d’innovation en Suisse. De 2015 à 2022, 37 projets en lien avec la recherche fondamentale, de nouvelles technologies d’infrastructure et des applications concrètes ont été menés tandis qu’une réflexion approfondie a été engagée sur les questions sociétales qui en découlent. Durant cette phase cruciale de l’histoire de l’évolution du big data, le PNR 75 a permis de mieux conscientiser ses aspects clés, de promouvoir les compétences, d’impliquer des parties prenantes de nombreux domaines différents et d’aborder les défis sociétaux pertinents. Il est complété par le Programme national de recherche « Transformation numérique » (PNR 77) toujours en cours qui est axé sur les dimensions sociétales de la transformation numérique.

Littérature

Comité de direction du PNR 75 (2023), Big Data : applications, technologies et aspects sociétaux.
Résumé du Programme national de recherche « Big Data » (PNR 75)External Link Icon, Fonds national suisse, Berne.