Miser sur d’autres essences forestières pour faire face au changement climatique
Le chêne pubescent pousse toujours aussi bien malgré des températures plus élevées: il s’adapte notamment en commençant à bourgeonner plus tôt. Des scientifiques soutenus par le FNS testent les essences du futur.
Plus les arbres croissent, plus ils séquestrent de CO2 présent dans l’atmosphère. Leur santé est donc à la fois déterminante pour le climat et tributaire de ce dernier. Pendant les canicules et les sécheresses, les arbres ne croissent plus et, en conséquence, cessent pratiquement d'absorber le carbone atmosphérique. Or c’est lui qui est à l’origine de la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes. Un cercle vicieux, en quelque sorte. Mais chez certaines espèces, cet effet est compensé en grande partie: les printemps plus doux provoquent une pousse précoce du feuillage, ce qui rallonge d’autant la période de croissance durant laquelle le CO2 est métabolisé.
Une équipe de scientifiques soutenue par le FNS a comparé la résilience de deux espèces: le hêtre commun et le chêne pubescent. Le premier est omniprésent dans les forêts suisses. Le second, moins commun dans nos bois, se fait plus fréquent à mesure que l’on descend vers le bassin méditerranéen. Sans surprise, la plus méridionale des deux essences tire un meilleur parti de l’augmentation des températures. Le chêne pubescent bourgeonne un mois à l’avance avec un thermomètre de 5°C supérieur à la moyenne actuelle. La chute des feuilles survient également quelques jours plus tard. Ce rallongement de la période de végétation suffit à compenser les périodes de dormance pendant les canicules et sécheresses estivales. Au final, la plante croît autant et séquestre pratiquement la même quantité de CO2 que dans les conditions climatiques actuelles.
Le hêtre souffrira fatalement du réchauffement
Par contre, le hêtre commun est moins résilient. Toujours avec une augmentation de température de 5°C, son bourgeonnement ne démarre que quelques jours en avance. Au final, dans des conditions plus chaudes, le hêtre croît moins bien et absorbe moins de carbone atmosphérique – aggravant par là même la cause du dérèglement climatique. Ces observations montrent que le hêtre souffrira fatalement du réchauffement, tandis que des espèces plus méditerranéennes pourraient prendre l’avantage en Suisse, explique Charlotte Grossiord, auteure principale de l’étude et professeure à l’EPFL. “Notre travail a pour but d’aider les gestionnaires forestiers à reconsidérer quelles espèces il faut favoriser, explique-t-elle. Nous continuons de planter du hêtre, l’essence caractéristique des forêts suisses, mais ce n’est peut-être pas le meilleur investissement pour l’avenir.”
Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques de l’EPFL et de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ont fait pousser les deux essences d’arbres sur un site du WSL, dans des serres au climat contrôlé. Les 16 chambres hexagonales étaient équipées de chauffage pour imiter diverses conditions climatiques. Les scientifiques ont soumis un premier groupe à des températures plus élevées, un second à une sécheresse estivale, et un troisième aux deux conditions. Un quatrième groupe dit “de contrôle”, soumis aux conditions climatiques actuelles, servait de référence. Pendant deux ans, l’équipe a mesuré toute une série de paramètres, du cycle saisonnier à la croissance en hauteur et au diamètre, en passant par l’activité de photosynthèse ou la surface du feuillage.
A l’avenir, Charlotte Grossiord aimerait étudier la résilience d’autres espèces. “Nous avons commencé avec le chêne et le hêtre parce que nous disposons d’une grande quantité d’informations à leur sujet, mais de nombreuses essences sont intéressantes en Suisse, notamment les résineux.”