Décider seul d’un traitement médical – ou confier la décision au corps médical
Tous les patients et patientes ne souhaitent pas participer dans la même mesure aux décisions concernant leur traitement. Le personnel médical devrait reconnaître les différents besoins et en tenir compte.
« Je ne peux pas prendre cette décision. C’est vous les médecins, c’est donc à vous de décider. » Voici ce que l’on entend souvent à l’hôpital, lorsqu’il s’agit de décider d’un acte médical à venir. Mais il existe aussi des personnes qui souhaitent décider en toute autonomie de leur thérapie. C’est ce que rapporte Sabina Hunziker qui, au moyen d’une vaste étude de cohorte financée par le FNS, a examiné avec son équipe les conséquences que peuvent avoir ces différentes attitudes.
Conclusion : l’étude montre que ce sont surtout les patientes et les patients souhaitant décider seuls qui sont moins satisfaits du traitement et qui ont moins confiance dans le personnel hospitalier. « D’où l’importance d’examiner la préférence et de la prendre en considération, notamment s’il s’agit d’une décision de grande portée », explique la professeure, responsable de la communication médicale à l’Hôpital universitaire de Bâle.
Pour l’étude, les scientifiques ont consigné près de 800 « grandes visites » chez des patient·es hospitalisés. Ces derniers ont ensuite été interrogés, entre autres, sur leurs préférences, leur perception de la visite et de la prise en charge ainsi que sur leurs connaissances médicales. Les cas étudiés incluaient une multitude de pathologies plus ou moins complexes et tous les groupes d’âge. Jusqu’à présent, les études de ce type étaient beaucoup plus petites et se limitaient à des personnes atteintes de cancer.
Il s’est avéré que plus des deux tiers des personnes aiment décider des prochaines étapes en coopération avec l’équipe soignante – elles se renseignent auprès des professionnel·les tout en donnant leur avis. Selon Mme Hunziker, la communication avec ce groupe substantiel de patient·es fonctionne généralement bien ; elle est importante en particulier lorsqu’il existe plusieurs options équivalentes. Dans ces cas, les médecins devraient informer le patient ou la patiente, lui expliquer les avantages et inconvénients de chaque traitement et évaluer ensuite les préférences individuelles.
La satisfaction influence la réussite du traitement
Environ 20 % des personnes sont plutôt passives, c’est-à-dire qu’elles préfèrent s’aligner sur le choix des médecins. Ce qui surprend, c’est que cette attitude n’est pas forcément liée à un manque de connaissances médicales. Selon l’enquête, ce groupe de personnes était tout aussi bien informé de sa maladie que les autres. « Il est tout à fait acceptable de ne pas vouloir décider soi-même », explique Mme Hunziker. Dans certaines situations, cela peut être apaisant de confier la responsabilité à autrui ou, du moins, de ne pas y participer activement. Cela dit, il est important que ces patient·es soient néanmoins informés des possibilités et des conséquences des divers traitements et qu’ils donnent leur consentement à la procédure prévue.
Selon la chercheuse, le plus grand potentiel d’amélioration de la communication concerne les 15 % de patient·es environ qui souhaitent surtout décider de manière autonome – d’autant qu’ils ne font pas toujours confiance aux médecins et aux soignant·es. Au bout du compte, ils sont également moins satisfaits de leur traitement. « Ce mécontentement et le sentiment de ne pas être pris correctement en charge peuvent avoir des répercussions négatives sur l’évolution de la maladie et sur le succès du traitement », constate Mme Hunziker.
C’est pourquoi il faut chercher le dialogue avec ces personnes dites actives, afin qu’elles n’aient pas le sentiment d’être ignorées par l’équipe soignante et puissent lui faire part de leurs préoccupations. « Il importe de reconnaître ce qui convient à ces patient·es à un moment donné », précise-t-elle, « et il existe des techniques pour le faire ». Les résultats de l’étude sont directement intégrés dans l’enseignement de l’Hôpital universitaire de Bâle. Pendant six ans, les étudiant·es en médecine y apprennent la bonne façon de communiquer – par exemple en simulant des entretiens dans des jeux de rôle ou, au quotidien, dans leur travail au chevet des patient·es.
L’évaluation a aussi révélé des domaines dans lesquels la communication peut encore être améliorée – par exemple en ce qui concerne des sujets délicats comme les incertitudes en médecine, le traitement du cancer, les maladies psychiques et la non-adhérence au traitement médicamenteux. D’autres études serviront à déterminer la meilleure façon pour le corps médical d’aborder ces questions sensibles.