Les personnes souffrant d’un mal de dos ont surtout besoin de patience
Mal passager ou douleurs chroniques : une équipe de scientifiques financée par le FNS a identifié des évolutions typiques du mal de dos. Les facteurs psychosociaux y jouent un rôle moins important que prévu.
Le mal de dos est très largement répandu : près de 85% des gens souffrent une fois au moins dans leur vie de douleurs au niveau de la colonne lombaire, soit entre les côtes les plus basses et le coccyx. Son traitement adéquat n’est pas simple parce que dans la plupart des cas il est difficile d’établir exactement sa cause physique – on parle alors de douleurs dorsales non spécifiques. Chez de nombreuses personnes, elles disparaissent d’elles-mêmes après un certain temps. Mais parfois elles persistent, affectant fortement la vie quotidienne des personnes touchées. « L’issue dépend certainement de très nombreux facteurs », dit Sabina Hotz, professeure en physiothérapie. Mais on ignore encore exactement comment ces facteurs interagissent. Dans une étude soutenue par le FNS, la chercheuse a maintenant identifié différentes évolutions caractéristiques de la douleur – dans le but de développer des stratégies de traitement plus personnalisées.
Pour ce faire, l’équipe de la ZHAW a accompagné pendant un an 176 personnes souffrant de douleurs récurrentes ou nouvelles douleurs au dos. À l’aide d’un questionnaire en ligne, les scientifiques leur ont demandé à différentes reprises d’évaluer leurs douleurs sur une échelle allant de 1 à 10 : de 1 à 3 signifiant faibles, de 4 à 7 moyennes et de 7 à 10 fortes. L’équipe a ainsi pu suivre les fluctuations sur un an.
Les questionnaires en ligne ont aussi permis de saisir d’autres aspects, en particulier les traitements médicaux, la situation au travail, le stress et les dépressions. Des examens cliniques ont également été effectués, mais leurs résultats n’ont toutefois pas été intégrés directement dans la publication présentée ici. « Nous avons ainsi pour la première fois dans le cadre d’une étude de long terme saisi aussi bien des données cliniques que des facteurs psychosociaux. Cela a demandé pas mal de travail », dit Sabina Hotz.
Rares sont les guérisons rapides
L’évaluation a permis d’identifier quatre évolutions typiques. Chez plus de la moitié des personnes, l’intensité des douleurs a fluctué au cours de l’année entre les niveaux moyens et faibles. Pour 7% environ, elle a fluctué entre moyens et forts. Pour un tiers des personnes, les douleurs ont été moyennes tout au long de l’année. Et seules quelques 6% d’entre elles ont vu leurs douleurs disparaître sur cette période – l’amélioration n’intervenant toutefois que vers la fin de la période d’observation. « Cela montre que la guérison des lombalgies ou le développement de douleurs chroniques ne sont pas linéaires », relève la professeure. L’espoir des patients et des patientes de voir une amélioration après quelques semaines déjà ne s’est que rarement réalisé.
Il est intéressant de constater que le fait que les personnes touchées suivent ou non un traitement médical ou une physiothérapie pour leur mal de dos n’a eu aucune incidence sur l’intensité et la durée des symptômes. Pour Sabina Hotz, cela veut dire qu’un traitement ne contribue pas toujours à une guérison plus rapide. Il suffit dans un premier temps que les personnes touchées se ménagent avant de reprendre leurs activités normales. Au début, des antidouleurs légers peuvent contribuer à rendre la situation plus supportable. À quelques exceptions près – par exemple dans les cas de très fortes douleurs persistantes pendant plusieurs semaines – des examens coûteux tels que les IRM ne sont pas nécessaires ou utiles, dit-elle.
Toutefois, l’étude a identifié deux facteurs annonçant déjà tôt une évolution sérieuse de la maladie : à savoir quand les douleurs étaient fortes dès le début ou quand les personnes touchées avaient déjà souffert plusieurs fois d’un fort mal de dos. Une des conclusions de l’étude est donc que les médecins traitants et les physiothérapeutes devraient dès le début accorder une attention particulière à ces patientes ou patients.
Doutes sur le rôle du psychisme
De manière surprenante, l’analyse statistique n’a pas relevé de corrélation entre facteurs psychosociaux et gravité de l’évolution, contredisant ainsi les résultats d’autres études qui constataient par exemple une évolution plus mauvaise chez les personnes stressées ou dépressives – ce que l’étude présentée ici n’a pas permis de confirmer, probablement en raison de différences méthodologiques dans la saisie des facteurs et l’évaluation statistique.
Sabina Hotz estime néanmoins que des facteurs psychosociaux jouent un rôle dans les lombalgies : « Le corps et l’esprit sont toujours en interaction et on ne peut pas les dissocier si facilement. » Mais peut-être que cette interaction n’est pas celle que suggèrent les recherches menées jusqu’à présent. Ainsi, un test de dépression utilisé en psychologie n’est pas nécessairement approprié dans le cas des patients et des patientes souffrant de douleurs : leur mal et le fardeau qu’il représente les placent souvent dans une situation exceptionnelle et elles peuvent ainsi être plus enclines à avoir des pensées négatives. « Ici, la science devrait se montrer un peu plus créative et trouver de meilleures méthodes. » La chercheuse propose d’utiliser à l’avenir en plus des questionnaires standardisés des méthodes qualitatives permettant aux personnes de raconter librement comment elles vivent leur souffrance.
L’équipe de recherche comprend également des physiothérapeutes en activité et elle accorde une importance particulière à ce que les connaissances acquises soient directement intégrées dans la pratique. « Il est par exemple essentiel d’expliquer qu’il est tout à fait normal que les douleurs durent plus longtemps que quelques semaines ou qu’elles reviennent après avoir régressé. Et qu’il ne faut pas s’inquiéter tant que la capacité de charge du dos ne se détériore pas », dit Sabina Hotz. C’est pourquoi elle plaide pour qu’on ne parle plus de douleurs dorsales non spécifiques, mais bénignes.