Chantiers de la politique sociale identifiés par le PNR « Assistance et coercition »

© SNF, Marco Finsterwald

Le droit à la participation et à l’autodétermination des personnes vivant dans la précarité n’est pas toujours garanti. C’est ce qui ressort du Programme national de recherche « Assistance et coercition » (PNR 76).

En Suisse, le système social soutient toute personne qui se trouve dans la détresse et a besoin d’aide. Les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte et les services d’aide sociale et d’aide aux victimes sont autant d’organisations qui prêtent assistance aux enfants et aux adolescent∙es, aux personnes malades ou handicapées, aux migrant∙es et aux réfugié∙es. Or le système social et l’État social sont des institutions chargées d’histoire. Au cours du 20e siècle, plusieurs centaines de milliers de personnes ont été touchées par des mesures de coercition à des fins d’assistance ou des placements extrafamiliaux et nombre d’entre elles ont été victimes de maltraitance, d’abus et/ou d’exploitation économique.

Les institutions du système social portent encore ce lourd héritage. Des améliorations ont entre-temps été réalisées dans de nombreux domaines, mais certaines mesures légitimées par la loi restent coercitives ou sont perçues comme telles par les personnes concernées. Les droits de celles-ci sont parfois insuffisamment pris en compte, comme le révèlent les résultats du Programme national de recherche « Assistance et coercition » (PNR 76) réalisé par le Fonds national suisse (FNS) avec le concours de quelque 150 chercheuses et chercheurs.

Droit à l’autodétermination des personnes concernées insuffisamment pris en compte

Au cours des cinquante dernières années, le système social suisse a changé. À la faveur de la modernisation du droit de la protection de l’enfant et de l’adulte, le législateur a placé le bien de l’enfant au centre des préoccupations et amélioré la position des mineur·es dans les procédures judiciaires. La Suisse a signé la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant ainsi que la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Malgré ces progrès, les compétences cantonales et la complexité de l’organisation des autorités conduisent à des inégalités de traitement, notamment en ce qui concerne les possibilités de participation des personnes concernées. La transparence et la sécurité juridique sont souvent insuffisantes, comme le montre le nombre de cas où les personnes ne comprennent pas la fonction de l’expert·e qui vient sonner à leur porte pour effectuer une visite à domicile à des fins d’enquête.

Le PNR 76 parvient à la conclusion que les procédures dans le domaine de la protection de l’enfant et de l’adulte doivent être harmonisées au niveau fédéral. Il faut faciliter l’accès des personnes concernées aux données importantes ; cela passe par une meilleure information sur leurs droits et obligations ainsi que par l’abolition des barrières administratives et linguistiques afin de garantir leur droit de participation, de protéger leur intégrité et d’encourager leur autonomie*. Il importe que les personnes concernées puissent se faire leur propre idée de ce qui pourrait les aider. La protection de l’enfant et de l’adulte doit être mise en œuvre de manière à mieux tenir compte des points de vue et des demandes des personnes concernées, dont il faut promouvoir l’autodétermination en conséquence.

Répercussions négatives à vie des interventions des autorités

Les personnes ayant été placées dans des foyers pour nourrissons à la fin des années 1950 étaient souvent issues de familles de travailleuses et travailleurs immigré∙es ou des enfants de mères célibataires. Jusqu’à un âge avancé, elles ont plus de problèmes de santé que la moyenne et une espérance de vie inférieure à celles des personnes n’ayant jamais été placées en foyer. En outre, leur développement cognitif, moteur, social et émotionnel est ralenti, comme le révèle le PNR 76**. Force est donc d’admettre que les interventions des autorités peuvent avoir un impact négatif sur toute la vie des personnes concernées. D’où l’importance de mesures appliquées avec doigté et respect, en veillant à ce que tous les enfants aient les mêmes chances en matière de formation et de choix professionnel et en accompagnant et soutenant les adolescent∙es vulnérables, en particulier les réfugié∙es mineur∙es non accomagné∙es, dans la transition vers la vie d’adulte et sur le chemin de l’autonomie.

La prise en charge d’enfants, d’adolescent·es et d’adultes en situation de précarité repose sur plusieurs modèles de financement pouvant impliquer simultanément la Confédération, les cantons et les communes. Lorsque la décision en matière d’aide sociale relève des communes, le taux de placements extrafamiliaux ordonnés est, par exemple, inférieur à celui où cette compétence appartient à des autorités ou à des tribunaux cantonaux. Les résultats du PNR 76 insistent sur le fait que le financement du système social doit être réglé de manière à éviter les incitations inopportunes et à garantir des ressources en suffisance. Les budgets alloués aux organisations compétentes doivent permettre aux personnes soutenues de mener une vie aussi autonome que possible.

Il importe de sensibiliser les spécialistes actifs dans les domaines de l’aide aux personnes handicapées ou de la psychiatrie aux effets stigmatisants de leur travail, en particulier lorsqu’ils posent des diagnostics psychiatriques ou médicaux. Pour cela, ils doivent disposer de ressources temporelles et financières appropriées.

Chantiers de la politique sociale identifiés par le PNR 76

Les effets des interventions des autorités se répercutent aussi sur les générations suivantes. Inconsciemment, les mères et pères ont transmis leurs expériences douloureuses et traumatisantes à leurs enfants, autrement dit la deuxième génération. « Afin d’éviter une troisième génération de personnes concernées, l’accès au soutien doit être simple et gratuit », estime Alexander Grob, président du comité de direction du PNR 76. Il faut en particulier conseiller et aider les personnes concernées à reconstituer et à documenter leur biographie. La reconnaissance officielle des souffrances infligées reste plus que jamais primordiale.

Le PNR 76 met au jour des lacunes de la politique sociale suisse. Alexander Grob appelle les autorités à agir conjointement avec les personnes concernées et les expert·es et à s’interroger sur l’égalité des chances et les conditions institutionnelles qui la déterminent pour engager les améliorations qui s’imposent. « Le système suisse d’aide sociale a beaucoup appris ces dernières années. Le moment est venu de mettre en œuvre ces enseignements. »

Programme national de recherche « Assistance et coercition – passé, présent et avenir » (PNR 76)

En 2017, le Conseil fédéral a confié au Fonds national suisse (FNS) le soin de réaliser un programme de recherche sur l’assistance et la coercition. Jusqu’en 2023, quelque 150 chercheuses et chercheurs ont analysé les caractéristiques, les mécanismes et les effets de la politique et de la pratique suisses en matière d’aide sociale. Le programme de recherche était doté d’un budget de 18 millions de francs.

Les travaux des chercheuses et chercheurs ont mis en évidence les causes des pratiques portant atteinte à l’intégrité des personnes visées et les conditions pour la protéger et étudié leur impact sur les personnes concernées. Les résultats du PNR 76 on été publiés dans trois volumes thématiques ainsi que dans la synthèse « Ingérence dans les parcours de vie », où ils sont résumés sous la forme de dix impulsions.

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