"Le droit à la science peut fournir une base au dialogue"
En Suisse, la mise en oeuvre de l’ordonnance de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques devrait intervenir à fin 2015. Cette question fait partie du droit universel à la science promu par l’ONU avec une nouvelle vigueur depuis 2012. Propos recueillis par Florian Fisch
(De "Horizons" no 106, septembre 2015)
Image: © Valérie Chételat
Le droit de l’homme à la science vise à protéger les scientifiques vivant dans des régimes autoritaires et à faire bénéficier tous les citoyens du progrès scientifique. Resté lettre morte depuis les années 1960, il fait l’objet d’une nouvelle consultation lancée en 2012 par le rapporteur spécial dans le domaine des droits culturels du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour Samantha Besson, professeur de droit international public à l’Université de Fribourg, considérer la science comme partie intégrante des droits culturels peut avoir des conséquences concrètes, par exemple lors de négociations internationales sur les brevets liés aux semences.
L’accès aux résultats de la recherche n’est-t-il pas déjà inclus dans les droits universels?
Il se trouve en effet contenu dans presque tous les autres droits: il faut des connaissances scientifiques pour produire de la nourriture ou développer des médicaments. C’est pour cela qu’on a peu remarqué le droit à la science jusqu’à aujourd’hui. Mais celui-ci présente notamment l’intérêt de s’adresser aussi bien à ceux qui font de la science qu’à ceux qui en bénéficient.
Avec quel avantage?
Prenez l’exemple de la politique internationale des semences, qui a des ramifications jusque dans le travail des biologistes et des agronomes. La double titularité du droit à la science permet d’éviter de nombreuses oppositions stériles que l’on rencontre dans les débats sur l’alimentation. Les droits des scientifiques à la propriété intellectuelle
y sont souvent opposés aux droits des agriculteurs à accéder aux semences et à développer de nouvelles variétés. Le droit à la science peut fournir une nouvelle base pour renouer le dialogue et trouver des solutions innovantes.
Ce mouvement ne risque-t-il pas de générer une énorme bureaucratie?
L’Etat sera peut-être tenté de créer de nouvelles régulations dans le domaine de la recherche. Mais je pense qu’il en existe déjà beaucoup et qu’il ne faut pas craindre une avalanche de contraintes supplémentaires!
Pensez-vous que le droit à la science risque d’affaiblir la recherche?
En soi, davantage de démocratie constitue bien entendu une bonne nouvelle. Toutefois, les rapports entre science et démocratie sont assez sensibles. Une participation démocratique accrue dans le domaine scientifique pourrait amener à menacer quelque peu l’autonomie des chercheurs. Or, cette dernière est l’un des acquis les plus précieux de la science d’aujourd’hui. Il nous faut donc demeurer attentifs.
Accès et partage des avantages
La biodiversité est essentielle pour l’agriculture et l’élevage ainsi que pour le développement de nouveaux médicaments. Le Protocole de Nagoya, qui a été ratifié par la Suisse, facilite l’accès des chercheurs et des entreprises aux ressources génétiques de divers pays. En échange, les Etats qui possèdent ces ressources doivent pouvoir profiter des avantages découlant de leur utilisation. L’ordonnance de Nagoya, qui accompagne la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, devrait entrer en vigueur à la fin 2015.