Prévenir le chaos routier dû au GPS
Suivre aveuglément son GPS au volant peut être source de conflits. Une équipe de recherche soutenue par le FNS a analysé ce genre d’incidents et plaide pour une plus grande responsabilité individuelle.
San Bernardino, tous les ans à Pâques: le trafic des vacances provoque des embouteillages sur l’A13. Les systèmes de navigation dévient les files ininterrompues de voitures vers les villages environnants. Les riverain∙es ne passent plus.
Herisau, chemin de randonnée: à la recherche d’une rue de quartier, les voitures et camionnettes de livraison s’échouent sans arrêt sur un chemin de gravier escarpé interdit aux véhicules. Cela entraîne des manœuvres risquées, comme le rapportent des habitant∙es à la SRF. Les conductrices et conducteurs suivent aveuglément les instructions de leur GPS au lieu des panneaux.
Zurich, Championnats du monde de cyclisme sur route 2024: les nombreux barrages routiers et déviations sèment le chaos sur les routes. La Police municipale estime que les propositions d’itinéraires erronées de Google Maps en sont responsables.
Aussi bénéfiques que soient les GPS au quotidien, ils égarent souvent les conductrices et conducteurs et suscitent l’indignation. Il leur arrive même de guider les voitures et les camions sur des routes très difficiles, mettant inutilement en danger les personnes présentes dans les véhicules et celles à proximité. «Il s’agit d’une technologie vraisemblablement utilisée par plus d’un milliard de personnes dans le monde. Il importe donc d’en comprendre également les conséquences sociétales», explique Gian-Luca Savino, postdoctorant. Ce dernier étudie l’interaction entre l’être humain et la technologie dans le cadre d’un projet de l’Université de Saint-Gall soutenu par le Fonds national suisse, sous la direction de Johannes Schöning.
Faute de documentation disponible publiquement, les chercheuses et chercheurs se sont tournés vers une autre méthode: ils ont systématiquement passé au peigne fin la base de données d’actualités Lexis-Nexis pour y trouver des articles de presse et en ligne relatant des événements où des systèmes de navigation avaient été source de chaos et de problèmes sur les routes. Afin d’éviter les complications liées à la traduction, ils se sont limités à des écrits en anglais, portant donc généralement sur des faits survenus dans des pays anglophones. Mais comme l’illustrent les exemples mentionnés au début, la Suisse n’est pas à l’abri de tels incidents.
«Une recherche de ce type nous montre très bien comment certains phénomènes sont perçus dans la société», souligne Eve Schade, doctorante et première autrice. «Dans des sociétés où les applications de navigation sont de plus en plus utilisées, on peut s’attendre à ce que de telles situations se multiplient à l’avenir.»
Trafic perturbé – sécurité compromise
Au total, les scientifiques ont identifié 90 incidents survenus entre 2010 et 2023. L’équipe a ensuite soumis les articles à une analyse de contenu systématique afin de catégoriser les problèmes qui y étaient mentionnés: dans la moitié des cas, les perturbations de trafic déplorées étaient des embouteillages et dans un tiers des cas, le passage de poids lourds – en particulier sur des routes non conçues pour un tel volume de trafic. Les signalements d’infractions au code de la route et de nuisances pour les riverain∙es étaient moins fréquents. Ces dernier∙ères n’arrivaient par exemple plus à sortir de leur place de parking privée à cause de la file de voitures.
Un tiers des cas de dangers pour la sécurité mentionnés dans les articles de presse relevaient d’accidents, ainsi que de la détérioration du revêtement de la chaussée. «La fréquence avec laquelle la hausse de la pollution atmosphérique a été thématisée nous a étonnés», déclare Gian-Luca Savino. «C’est également important pour la sécurité, puisque cela peut avoir des répercussions sur la santé.»
En menant des études comme celle-ci, l’équipe souhaite à la fois catégoriser les problèmes perçus par la société et élaborer des solutions. «L’analyse des données a montré que, le plus souvent, des adaptations n’étaient envisagées qu’à l’échelle locale», explique Gian-Luca Savino. À titre d’exemple, des routes ont été fermées au transit dans certaines zones résidentielles ou des interdictions de tourner ont été mises en place à certains endroits. Certaines applications numériques offrent également la possibilité de signaler les erreurs. Or, selon lui, il ne s’agit pas d’options durables, mais seulement de déplacements du problème. «Les voitures disparaissent d’un quartier pour réapparaître dans le suivant», souligne Gian-Luca Savino.
Responsabiliser les gens
Il est donc nécessaire de trouver des idées plus systématiques, telles qu’une adaptation des algorithmes des fournisseurs comme Google Maps. Mais l’équipe a aussi une autre proposition, où la technologie n’assume pas l’entière responsabilité: le système pourrait fournir aux usagères et usagers des informations supplémentaires sur les itinéraires proposés – et les laisser choisir par eux-mêmes.
«Un chauffeur de camion pourrait par exemple se demander s’il souhaite traverser à toute vitesse une paisible zone résidentielle ou s’il veut passer dix minutes de plus dans les embouteillages», souligne Eve Schade. À l’heure actuelle, le calcul d’itinéraire des systèmes de navigation repose uniquement sur l’idée de faire gagner du temps à la personne au volant. Les aspects qui concernent par exemple l’impact sur l’environnement ou les éventuels risques liés à la sécurité ne comptent pas. «Ce serait bien si la personne pouvait décider de son plein gré de faire preuve de plus de considération.»